Je vis dans un village de cohabitation où chacun est propriétaire de sa maison, mais nous prenons des décisions ensemble chaque mois et partageons 25 acres de terrain et une Common House. Il n’y a pas de rue entre nos maisons. C’est 12 maisons en face de 12 maisons avec un trottoir entre les deux lignes de maisons. Lorsque la pandémie est arrivée en mars, nous avons voté de respecter les règles sanitaires. En réalité, ce n’est pas ce qui s’est passé et ça m’a grandement ébranlé. Plusieurs familles se sont regroupées en bulles géantes, affirmant même que ce n’était sûrement pas vrai cette histoire de COVID. Je me suis retrouvée face à la décision de continuer à respecter les règles sanitaires et de ne pas laisser ma fille aller jouer dehors avec tout ce joli groupe. Alors que les parcs fermaient les espaces de jeux pour enfants, ici on construisait un skate parc juste à côté de chez moi. Vivant au centre du village, ayant la volonté de bien faire, ayant les émotions à vif, le français est devenu mon ancre, ma cachette, ma source de petites joies (musique, Tout le monde le parle, la famille, les amis —les vrais). Je me suis isolée au cœur du village, au cœur de ma petite maison, et dans mon propre cœur. J’y ai perdu beaucoup de plumes. J’ai ruminé des tonnes de grognements, de sacres bien sentis, de larmes vraiment confondues par tous ces étranges sentiments. Comment m’exprimer ? Je ne le savais plus. Je voulais être seule et m’occuper de ma fille, lui offrir une créativité à toute épreuve. Comment accepter les choses que je ne pouvais pas changer ? Je ne le savais plus. Je me suis mise à détester l’autre intérieurement. J’ai glissé dans le tourbillon de l’ombre noire. L’été, ma saison préférée, m’a ressaisie. Assise dehors à me chauffer aux rayons du soleil, les yeux fermés pour ne pas entrer en contact avec les autres, j’ai tranquillement rebâti mon goût à la joie, à la paix encore aujourd’hui à ses premiers balbutiements. Je vois maintenant un ciel doux et pacifique qui s’annonce. Je lâche pas. J’accepte d’avoir vécu cette situation comme un crabe affamé, prêt à pincer en silence, la carapace épaisse, indifférente à l’autre. Silence, ça tourne. Je me recentrerai. Je m’ouvrirai. Je parlerai…peut-être. Une chose à la fois, ça tourne encore.